“Rêver, c’est informer l’avenir”
(Gérald Neveu 1921-1960)
La Génération Y (ou Millennials / milleniaux) regroupe l’ensemble des personnes nées entre le début des années 1980 (1984) et la fin des années 1990 (1996).
Toutes présentent un point commun : « digital natives », elles ont grandi avec l’évolution des technologies de l’information et de communication ; elles ont vu naître et sont actives sur les réseaux sociaux ; ce sont celles et ceux qui utilisent les nouvelles technologies au quotidien.
Mais aussi consommatrices et personnes actives de demain, elles suscitent un double intérêt des entreprises.
De nombreuses études en tout genre s’emploient à les cerner, à comprendre et prédire leurs comportements… avec difficulté : cette Génération Y va vite, mute rapidement et même cette appellation semble être bien stéréotypée pour rendre compte de leur diversité.
On peut toutefois relever un point commun : les Millennials ne veulent pas seulement « consommer du contenu » (en particulier sur Internet) mais souhaitent également en diffuser. En s’exprimant, en donnant leur avis, ils affirment leur identité, leur manière de se définir …
Selon la dernière vague du baromètre de la Vie numérique publiée cet été, 63% des Millennials français passeraient près de 2 heures par jour devant leur écran de Smartphone, dont 30% qui l’utilisent au moins 4 heures et 13% au moins 6 heures par jour.
99% d’entre eux possèdent au moins un ordinateur.
Leurs sources
d’information ont également évolué : ils
lisent moins, consultent pas ou peu les médias traditionnels, de type presse
écrite et radio.
D’après le Reuters Digital News Report 2020, sur 80.000 personnes interrogées
(de 40 pays différents), 47 % des 18-34 ans s’orientent vers des contenus
partagés sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Snapchat, Instagram et
désormais TikTok) puis vers la télévision (24 %).
Jean-Marie Charon, sociologue spécialiste des médias et du journalisme, nous éclaire : « Ce qui change avec les réseaux sociaux, c’est l’horizontalité : on accède à l’information en même temps que l’on accède à d’autres types de contenu. La parole du journaliste n’est plus sacralisée, elle est aussi valable que celle d’une entreprise, d’un lobby ou d’un influenceur « .
Dans la vague
menée en janvier 2020 (donc pré-crise sanitaire) du Baromètre de confiance dans
les médias réalisé par Kantar pour La
Croix, 50 % des jeunes déclaraient
s’intéresser « faiblement » à
l’information contre 41
% (+ 8 points sur un an) de la population interrogée.
Selon le sociologue, le rejet pour les médias s’exacerbe au moment des crises.
Celle de 1968, avait entraîné la création de L’Humanité nouvelle et Libération
en réaction au conservatisme dans la presse.
C’est arrivé sous une autre forme en 2019 avec la crise des Gilets Jaunes.
« On cesse alors de faire
confiance aux journalistes perçus comme appartenant à l’élite et proche du
pouvoir politique ».
Pour Cyrille Frank, Directeur de l’Ecole Supérieure de Journalisme Pro de Paris, revenir au dialogue s’annonce difficile : selon lui, seules les catégories sociales supérieures respectent encore la figure du journaliste. Mais du côté des milieux populaires, les journalistes sont associés à une caste composée essentiellement de personnes du même milieu social, qui pensent pareil.
La faible capacité des médias traditionnels à renouveler leur lectorat et à s’adresser à cette Génération Y en reprenant leurs codes, renforce leur désintérêt.
L’approche des médias reste axée sur l’offre et non sur la demande, ses attentes ou ses envies. Par conséquent, les journalistes ne reprennent ni les codes (le wording, le graphisme), ni les sujets de préoccupation (écologie, lutte antiraciste, féminisme…), ni les usages (consommation rapide de l’information sur Smartphone, depuis les réseaux sociaux) de ce public jeune.
Parmi les Millennials, ceux issus de milieux plus modestes n’ont pas toujours les moyens d’accéder au contenu à valeur ajoutée des sites d’informations, désormais souvent payant. Par manque de choix, ces jeunes se dirigent alors vers la gratuité sur les réseaux sociaux où la parole des créateurs de contenus et influenceurs est plus ou moins vérifiée.
D’après le Decodex[1] , 16,1 % des internautes consultant des sites classés « peu fiables » auraient entre 15 et 24 ans, légèrement surreprésentés quand on sait qu’ils constituent 11,8 % de la population française. A noter toutefois que les 35-49 ans représentent 22,1 % des internautes et 25 % des lecteurs de sites classiques, mais 32,7 % des lecteurs de sites peu fiables.
Seul Le Monde parmi les grands
quotidiens nationaux s’est décidé en juin 2020, à diffuser du contenu sur
TikTok, l’application la plus téléchargée en 2019 et dont 75 % des utilisateurs
ont moins de 24 ans (1 milliard d’utilisateurs dont 6 millions en
France).
Il y a
quatre ans, le journal s’était déjà lancé sur Snapchat.
Cette volonté de s’intéresser vraiment aux jeunes, en se posant des questions
sur leurs pratiques, sur leurs usages, à aller toucher le public là où il
se trouve et lui proposer une offre éditoriale adaptée à ses usage, à lutter
contre les fausses informations qui se multiplient dans ce qui est le principal
moyen d’information de ce public semble payant : le compte Snapchat du
Monde réunit plus de 1,4 million d’abonnés et près de 55.000 sur TikTok.
Aujourd’hui, pour réconcilier Millennials et médias traditionnels, il s’impose de créer, en plus de la production d’articles classiques, des espaces de discussion en fonction du public.
Pour être schématique : créer de l’information sur TikTok à destination des Millennials et conserver des longs formats papier et web pour les plus âgés.
Vaste et beau programme !
[1] Les Décodeurs, Le Monde
Sources :
- Le Baromètre de la Vie numérique > Étude online menée par Harris Interactive pour Celside Insurance, société d’assurances dédiée à la perte, au vol ou à la casse d’appareils numériques, du 3 au 7 février 2020, auprès d’un échantillon de 1002 personnes représentatif de la population française.
- 33° Baromètre La Croix de confiance dans les médias > Vague 2020 réalisée entre le 02 et le 06 janvier 2020 par Kantar en entretiens face-face auprès d’un échantillon de 1 007 personnes, représentatif de l’ensemble de la population française âgée de 18 ans et plus.