« C’est le grand paradoxe du confinement : chacun est chez soi mais plus personne ne sait où il habite ».
Etienne Klein, physicien et philosophe des sciences
J’aurais pu, comme beaucoup, vous souffler les règles de l’efficacité en télétravail, vous entretenir des mérites comparés des applications vidéos pour organiser vos réunions, vous affirmer que même confinée, TOUT va bien dans le meilleur des mondes…
Ce n’est pas si simple…
Sina Farzaneh, se nommant lui-même “réfugié du coronavirus” à Shangaï, là où la vague est maintenant maîtrisée, a étudié les différentes phases du confinement.
Dans la première, celle de « survie », on s’adapte à notre nouveau mode de vie, en mode « réactif », branché.e en continu sur les chaînes ou radios d’information, en panique…
Dans la seconde, « la sécurité », la pression s’est relâchée. On s’est mis au rangement, au nettoyage de Printemps, et on a enfin pris le temps de faire tout ce que l’on n’a pas le temps de faire un week-end, d’ailleurs plus souvent de la cuisine, du pain et des gâteaux que de (re)lire Proust…
Dans la troisième « l’appartenance », on aura enfin trouvé nos marques, l’organisation fonctionne entre le travail et la famille, les temps sont bien partagés. On prend enfin cette quarantaine aussi pour du « temps pour soi ».
Vient ensuite « l’importance » : après avoir identifié et réfléchi à de nouvelles idées et organisations, tant personnelles que professionnelles…issues des phases précédentes, on va les mettre à profit pour une transformation potentielle de notre façon de vivre…
… tout en préparant la dernière phase, « l’auto-actualisation », le bout du tunnel… en restant vigilant.e et reconnaissant.e d’avoir traversé cette épreuve, même si elle nous a épuisés…
Cette époque épique voit s’épanouir un nombre croissant de personnes, touchées par quelque mystérieuse grâce, qui s’auto-attribuent désormais les missions de nous conseiller et de nous distiller toutes sortes de recommandations, toujours de façon autoritaire, tour à tour économistes, médecins épidémiologistes, pédo-psychologues, marketeurs, coachs en gestion du temps, voire tout à la fois…
Aaah, le temps… enjeu incontournable de ce confinement…
- « Combien de temps cela va-t-il encore durer ? »
- « Comment occupes-tu ton temps ? »,
- « Tu donnes du sens à tout ce temps » ? …
deviennent des questions incontournables, alors que c’est avant tout notre espace vital qui est restreint, de façon évidemment différente selon le volume de celui-ci et des espaces extérieurs disponibles.
Paradoxalement, le fait de disposer (pour certains) de ce temps pour soi, d’être moins dans l’urgence, de perdre (un peu) la notion de l’heure, des jours de la semaine et des week-ends, ne change rien au fait qu’une minute dure toujours 60 secondes… comme dans notre vie « d’avant », quand nous affirmions avec insistance : « le temps presse »…
Alors… si nous nous offrions le luxe de laisser du temps au temps et de développer notre écoute intérieure ?